Forêt française : loin du fantasme d’un massacre à la tronçonneuse, une gestion durable et encadrée
La forêt française se porte bien. De mieux en mieux, même, puisque sa surface augmente chaque année, et que la biodiversité y est une des plus riches d‘Europe. Pourtant, à grand renfort d‘images sensationnalistes, certains activistes voudraient nous faire croire le contraire. L‘utilisation de ces images pour susciter l‘indignation traduit soit une volonté de manipulation de l‘opinion, soit une méconnaissance totale de la sylviculture moderne et de ses enjeux.
La forêt s‘accroît et s‘adapte
En croisant une abatteuse moderne en action (engin de plusieurs tonnes qui abat, ébranche, écorce un arbre en un temps record), il est légitime d‘avoir un mouvement de recul, et de se demander si les dinosaures sont de retour. Cette machine a été conçue pour atteindre des objectifs de rendement élevés, et son action sur la forêt est impressionnante, voire inquiétante. Pourtant, son apparente férocité ne doit pas troubler notre jugement, ni nous faire passer à côté de la « big picture » : le système de gestion de la forêt dans lequel elle s‘inscrit est dans l‘ensemble vertueux. S‘il est mû par des impératifs économiques, il l‘est aussi par des considérations environnementales. L‘un ne va pas nécessairement sans l‘autre.
La forêt française ne cesse de croitre
La forêt française ne cesse de croitre. Elle est passée de 7,5 millions d‘hectares en 1795 à 17 millions d‘hectares actuellement. Peu de surfaces en forêts retournent à l‘agriculture, alors qu‘a contrario la déprise agricole pour des raisons d‘accessibilité, de pauvreté des terres, ou des raisons liées au statut du fermage fait que certains propriétaires plantent et reboisent. Nous ne sommes pas au Brésil. Le Puy de Dôme, après la crise du phylloxera du début du XXe siècle, a progressivement replanté ses zones de vignes en forêt de résineux de montagne, faisant naître une nouvelle richesse.
Des essences se sont ainsi adaptées à notre contexte. Le robinier faux acacia, appelé acacia par habitude, le sapin de Douglas qui est synonyme de bon bois d’œuvre et qui possède une résistance aux attaques fongiques assez remarquable (évitant des traitements), et le chêne d‘Amérique, par exemple. Le Douglas a un besoin d‘eau lié à son origine géographique (nord ou sud des Rocheuses). Les 2 autres s‘adaptent plutôt bien au contexte climatique changeant. Le cèdre est un outsider intéressant.
Le recours à l’éclaircie
La forêt française est productive mais seule une partie de l‘accroissement biologique annuel est utilisée, 50% à 60 %, ce qui veut dire que nos peuplements ne sont pas assez exploités, ce qui engendre de la concurrence interne entre les arbres, certains se développent au détriment des autres. L’éclaircie, opération consistant à supprimer un certain nombre d’arbres d’une parcelle au profit de ceux laissés en place, est un moyen de gestion qui diminue cette concurrence entre les arbres. Bien dosée, elle est aussi un moyen de se protéger des agressions climatiques actuelles. Dans cet accroissement biologique annuel, il y a largement la place pour développer le bois carburant (bûches, plaquettes et pellets) le bois industrie (panneaux agglomérés, pâte à papier) : nos revues et déclarations fiscales archivées sont des stocks durables de CO2 ; et le plus durable le bois d’œuvre pour vos maisons (charpentes, parquets, cloisons et meubles.)
Les forestiers français n‘exportent pas, ils vendent à des acheteurs via leur coopérative, leurs experts ou directement à des négociants, des scieurs, des industriels. Rappelons qu’en France, si la manière d‘exploiter ses bois est libre, l’État intervient pour que la forêt soit exploitée durablement. Il incite fiscalement les propriétaires à se soumettre à des règles de gestion, à respecter un cahier prévisionnel d‘actions à réaliser, et bien sûr à respecter le Code Forestier.
Tout est bon dans la forêt
La forêt, avant le charbon et le pétrole, donc jusqu’à récemment (fin du XVIIIe siècle), était avec les moulins à eau ou à vent, la seule source d’énergie. Le premier charbon utilisé a été le charbon de bois. Il s‘agit de ce que l‘on appelle désormais une énergie renouvelable : la forêt durable continue à produire après une coupe, la partie qui n‘est pas brulée, c‘est-à-dire l‘essentiel du bois (le bois-énergie ne concerne que la portion congrue du bois récolté, pour la simple et bonne raison qu‘il en constitue l‘exploitation la moins rentable) permet de stocker du carbone : charpente, cloison, parquet, mobilier, papiers archivés ou décors. L‘excédent de biomasse non exploitée permet en outre beaucoup de choses, tant pour le chauffage que pour la chimie du bois dont on attend beaucoup par la variété des produits que l‘on peut en obtenir. La forêt, pour reprendre une image que j‘affectionne, c‘est comme le cochon : tout y est bon, pourvu qu‘on sache comment s‘y prendre.
Le rêve de la mystérieuse forêt primaire
Il n‘y a pratiquement pas de forêt primaire en Europe, exception faite de la Pologne (forêt de Białowieża). C‘est un biotope non productif en équilibre, dans lequel il y a autant de bois qui se dégrade en pourrissant que de bois en croissance. Et l‘oxygène produit le jour est consommé la nuit : idem pour le gaz carbonique produit la nuit et consommé le jour. Ce biotope ne corrige pas le taux de CO2 actuel. Cette forêt ne produit pas grand-chose en dehors de l‘humus. Mais c‘est le « Graal » de certains, et, il est vrai, un conservatoire de biodiversité. S‘il est important que de tels espaces continuent d‘exister, il l‘est aussi que d‘autres portent la trace de la main de l‘homme : pour s‘adapter au changement climatique via de nouvelles essences plus résistantes, pour renouveler les populations vieillissantes qui ne jouent plus leur rôle de « puits de carbone », mais aussi pour nous fournir du bois, dont nous avons cruellement besoin pour construire des logements bien isolés et des meubles durables ou nous chauffer et lire notre journal préféré.
Pour une forêt durable
Fédération Patrimoine-Environnement 09/04/2021
La forêt, les étangs et les plaines fécondes
Ont plus touché mes yeux que les regards humains,
Je me suis appuyée à la beauté du monde
Et j’ai tenu l’odeur des saisons dans mes mains.Anna de Noailles, L’offrande à la nature
Occupant en effet 30% du territoire français, l’hexagone vu du ciel est vert ! Si l’Office National des Forêts se félicite que leur surface ait doublé en 200 ans, c’est bien qu’il n’en a pas toujours été ainsi : elle a subi la forte pression exercée au XIX ème par la révolution industrielle et maintenant elle bénéficie de la déprise agricole.
Pour perdurer elles doivent faire l’objet d’une bonne gestion, comme les forestiers l’ont compris depuis fort longtemps. La situation de la forêt française est caractérisée par une forte fragmentation. La forêt privée est répartie entre de grands propriétaires, mais aussi en une multitude de petits propriétaires privés qui détiennent, souvent sans le savoir, d’innombrables parcelles souvent très petites : on dénombre en effet pas moins de 4 millions de propriétaires de ce type.
La forêt publique propriété de l’État, de collectivités territoriales, ou d’établissements publics ne représente que 25% de la surface forestière. Cette disparité a pour conséquence de complexifier la gestion, mais de plus en plus le regroupement des parcelles est fortement recommandé.
La forêt, une ressource inestimable :
Le domaine public forestier est géré par l’ONF dont les objectifs sont de « fournir du bois à la société, préserver l’environnement et accueillir le public ». L’État exerce également un droit de regard sur la gestion des forêts privées, dont la surface est supérieure à 25 hectares, en établissant un plan simple de gestion. Les propriétaires privés peuvent également se référer au Centre National de la Propriété Forestière – CNPF ou régionalement au CRPF et à des coopératives pour les aiguiller dans la gestion de leur forêt. La forêt est concernée par les trois piliers, économique, environnemental et social, du développement durable :
- Elle est à la fois une source d’énergie et de matière première (filière bois)
- Elle permet le stockage du carbone
- Elle est au coeur de notre écosystème du fait de son rôle dans la protection des sols et de l’eau
- Elle joue un rôle actif dans qualité des paysages
- Elle a une fonction sociale : l’accueil du public en forêt
- Elle est une source d’emplois
La nécessité de recourir à un gestion durable des forêts :
La gestion d’une forêt n’est pourtant pas chose aisée, elle a été de tout temps façonnée par les hommes, et elle doit également être entretenue pour être pérenne. Cela nécessite de procéder à des coupes de gestion ou d’exploitation. Il existe, en effet, tout un panel de coupes d’arbres : des coupes dites d’éclaircie, d’amélioration ou encore de régénération permettant aux différentes espèces de bénéficier de l’espace nécessaire et d’un apport en lumière suffisant. Dans certaines situations de déséquilibre forêt-ongulés, des clôtures peuvent être installées pour protéger les jeunes pousses de la dent du gibier.
La gestion d’une forêt durable implique que la forêt soit jardinée. Bien loin d’épuiser les ressources de la forêt, le bois doit être coupé pour que la forêt se régénère ; le but est le renouvellement des peuplements, tout en permettant à long terme de récolter les mêmes volumes de bois qu’avec d’autres formes de gestion, tout en évitant de devoir procéder à des coupes intensives.
La mise en place d’une vision d’ensemble conçue pour renforcer la compétitivité de le France dans ce secteur s’est traduite par le programme PEFC [Program for the Endorsement of Forest Certification schemes] qui « certifie la gestion durable des forêts et rassemble autour d’une vision multifonctionnelle et équilibrée de la forêt dans 53 pays à travers le monde. Présent depuis plus de 20 ans en France, il doit garantir les forêts durables ». La certification se fait donc sur la base d’un cahier des charges auquel tous les propriétaires souhaitant être certifiés PEFC doivent se plier. Ce label s’adapte aux spécificités des forêts tout en se présentant comme la garantie de la forêt durable. Il repose sur la certification de la gestion durable de la forêt d’où provient le bois et, ensuite, sur celle de la chaîne de contrôle des entreprises de transformation, permettant de suivre le bois, depuis la forêt jusqu’au consommateur final. La souplesse du dispositif conduit parfois à penser à un cahier des charges trop leste, se rapprochant plus d’une charte et permettant à certains de formuler des critiques.
L’une des plus fréquentes -ou des plus entendues- est certainement le fait que ce label permettrait d’effectuer des « coupes rases ».
Les coupes rases en question :
Les expressions « coupe rase », « coupe à blanc » et « coupe à blanc-étoc » désignent, en sylviculture, un mode d’aménagement sylvicole passant par l’abattage de la totalité des arbres d’une parcelle d’une exploitation forestière. Les coupes rases sont nécessaires lorsque l’on veut changer l’essence en place ou que l’on veut défricher. Le concept est proche de celui de la « coupe claire ”.
Les coupes de bois doivent en principe s’inscrire dans une gestion raisonnée de la forêt ; la coupe rase apparaît au premier abord antinomique d’une gestion durable. Il faut tout de même rappeler qu’elles sont limitées à 2 ou 4 hectares selon les départements et les coupes de plus grande ampleur doivent faire l’objet d’une demande d’autorisation préalable. En outre, d’autres protections tels les zones Natura 2000 ou les sites classés permettent d’en prohiber la pratique. L’enjeu réside dans le fait de savoir ce que l’on coupe et pourquoi on le coupe. Des forêts de monoculture, des forêts non entretenues dont les arbres sont atteints de maladies, nécessitent des coupes rases. Il peut s’agir d’un investissement sur l’avenir. Raser est d’ailleurs, dans le cadre d’une gestion durable, assortie d’une obligation de reboisement de la parcelle pour reconstituer le capital forestier, ce qui permet à terme de préserver la ressource. Enfin, lorsqu’elles sont autorisées, un certain nombre de précautions doivent être prises : par exemple la préservation des cours d’eau ou des niches écologiques pour la faune (tels des arbres morts ou à cavités), la protection de milieux humides ou sensibles à l’érosion (grâce aux techniques de câble-mat). Il ne s’agit donc pas de banaliser ce procédé, qui ne doit et ne peut pas l’être en tout état de cause, il convient d’en renforcer les contours.
Conclusion :
La forêt joue un rôle primordial pour le développement durable, elle concilie en effet les intérêts environnementaux et écologiques, tout en assurant le renouvellement de la ressource. Les forestiers sont engagés dans la gestion durable des forêts, ce qui est plus que jamais primordial.
La Fédération Patrimoine-Environnement, bien consciente de la nécessité de communiquer sur cette composante de l’environnement, a choisi en 2021 de proposer pour Les Journées du Patrimoine de Pays et des Moulins le thème : L’Arbre vie et usage. Cette manifestation est l’occasion de rappeler que les arbres occupent une place centrale dans nos vies et qu’ils se retrouvent aujourd’hui au cœur des problématiques environnementales. Ressource naturelle, élément de biodiversité, c’est aussi un marqueur de paysage important dans nos villes et campagnes. Le bois, matériau renouvelable et durable, utilisé et travaillé depuis des siècles est un élément patrimonial indispensable dans la construction.
Lantriac : une découverte de la forêt communale riche d’enseignements
Vendredi 19 mars, dans le cadre de la Semaine internationale des forêts, une après-midi découverte de la forêt de Lantriac était organisée par l’Office national des forêts sur la partie forestière communale du hameau du Mont dans le secteur du suc de Montchamp.
Deux activités ponctuaient cette après-midi. Une visite guidée de la forêt et un jeu de piste ont permis d’appréhender de manière ludique le rôle de la forêt, les dangers qui la menacent et les moyens mis en œuvre pour lutter contre son dépérissement.
Focus sur la mission des forestiers de l’ONF
La visite guidée était assurée par Fabrice Valentin, technicien forestier à l’ONF qui a présenté les missions des forestiers qui œuvrent au quotidien pour assurer la pérennité et la vitalité des forêts. Il était accompagné du jeune stagiaire Adrien.
Répondant aux questions des participants, il a expliqué le fonctionnement de l’écosystème forestier (bois, champignons faune, flore) et la nécessité de protéger cette biodiversité.
Plaidoyer pour une forêt mosaïque
Il a évoqué l’importance et l’urgence de lutter contre le dépérissement des forêts dont la cause principale est le changement climatique.
Pour cela il faut gérer la forêt d’une nouvelle manière en créant « une forêt mosaïque » avec implantations parmi les espèces actuelles dont certaines sont appelées à disparaître dans l’avenir, de nouvelles essences faisant naître ainsi une diversité qui permettra aux forêts de mieux s’adapter au climat de demain.
L’importance des zones humides
Fabrice Valentin a terminé par une présentation de la zone humide de Montchamp. Cette zone est destinée à être réhabilitée pour retrouver ses fonctions essentielles : stocker l’eau, la filtrer et favoriser le développement d’un écosystème riche tant pour la faune que la flore.
Les participants ont beaucoup apprécié cette après-midi au chevet de la forêt. Et cela même si le temps n’était pas particulièrement clément. Le souhait de renouveler cette initiative l’an prochain a été exprimé.
Journée des forêts, Haute-Loire |
A l’occasion de la journée internationale des forêts, l’Office national des forêts organise des événements gratuits et pour tout public en France du 13 au 21 mars 2021.
En Haute-Loire, le public est invité à venir se ressourcer et participer à un panel d’activités qui mettront en valeur notre patrimoine forestier et son adaptation au changement climatique. Les animations sont ouvertes de 14 h à 16 h 30.
Au programme :
– Le samedi 13 mars et le mercredi 17 mars : Partez à la découverte de la forêt de Saint-Etienne (forêt du barrage de Lavalette) pour une visite de 30 min, guidée par une forestière de l’ONF, maximum 6 personnes par groupe, pour comprendre la forêt, ses enjeux et son rôle vis-à-vis de l’eau et d’un jeu de piste d’une heure.
– Le vendredi 19 mars :Partez à la découverte de la forêt de Lantriac ! Accompagnés d’un animateur forestier, laissez-vous guider dans une visite pédagogique sur les rôles de la forêt, sa gestion et son évolution avec le changement climatique.
Visites guidées toutes les 30 minutes par groupe de 6 personnes et d’un jeu de piste d’une heure.
– Le samedi 20 mars : Venez découvrir la forêt de Freycenet-Latour et poser toutes les questions que vous n’avez jamais osé poser sur la gestion forestière à travers des visites de 30 minutes par groupe de 6 personnes et jeu de piste d’une heure ! Nous verrons aussi comment les forestiers prennent en compte le changement climatique.
– Le dimanche 21 mars : Découvrez l’évolution de la gestion forestière face aux dérèglements climatique. Un animateur forestier vous explique les enjeux dans une plantation à travers des balades de 30 minutes dans la forêt des Estables. Vous trouverez également un jeu de piste d’une heure.
Également sur le web :
– Un webinaire jeudi 18 mars à 17h – « la forêt mosaïque »
– Des nouvelles applis, des portraits de forêts,
– Des reportages, des interviews, des vidéos,
– Des séances de yoga…
Pour en savoir plus : voir le communiqué de presse ou consulter sur onf.fr.
Le service communication, Direction territoriale Auvergne – Rhône-Alpes, 143 rue Pierre Corneille CS 93461
69421 LYON cedex 03, communication.aura@onf.fr.
Les anciennes forêts d’Ardèche :
Les forêts anciennes, cathédrales des Monts d’Ardèche
Source : Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche
Pin de Salzmann : Un arbre emblématique
Source : Wikipédia