Extrait du livre d’Axel Kahn
Paru chez Stock septembre 2015
Toute la journée du lendemain se déroule dans et autour du cirque des Boutières, entre le Mézenc et le Gerbier de Jonc. De plusieurs kilomètres de diamètre, le cirque, dont le fond est constitué de grasses prairies accidentées, coupées de sucs qui saillent sur ses pentes, et l’entourent sur ses bords. Il mérite de figurer au panthéon des plus beaux sites de notre pays qui n’en manque pas, et constitue le cinquième de mes coups de cœur paysagers entre deux mers, après le cap Sizun, la région de Guerlédan (en Bretagne), et la vallée cristalline de la Creuse.
Ma compagne et moi progressons, fascinés, d’abord sur le plateau en contournant le cirque à nos pieds, puis nous rejoignons par les pelouses fleuries sa partie basse, avant de remonter sur son bord sud-est, à quelque distance du féerique mont Gerbier de Jonc vers lequel nous nous dirigeons dans une sorte d’hypnose. J’observe à nouveau de beaux orchis tachetés plus clairs que dans le Cézallier, presque blancs, ce qui fait ressortir les stries mauves concentriques doublement ponctuées en leur centre, qui décorent la fleur en gueule de loup. Une partie du chemin se déroule en compagnie de préposés aux espaces de la montagne ardéchoise occupés quant à eux à baliser les chemins empruntés par les randonneurs et les cyclistes VTT. Ils s’excusent d’abord avec une contrition évidentes, d’utiliser des engins mécaniques, une automobile sur la route et un quad pour s’engager sur les sentiers « mais, se justifient-ils, comment transporter sinon tous ces piquets que nous plantons ? Vous comprenez, monsieur, cette montagne est si belle ! Ce ne serait pas charitable de la garder pour nous seuls, il nous faut permettre à ceux qui n’ont pas la chance d’y vivre de se ressourcer en elle, eux aussi. » A les entendre, je pense qu’il n’y a pas que la montagne qui soit belle…